La moustache qui frise, le sourire accroché au visage comme un croissant de lune, les cheveux hérissés sur le sommet du crâne, les lunettes et le jean dernier cri,
tel se présentait mon ami Nathanaël. A y regarder de près, quelque chose détonnait dans cette apparence trop lisse. Nathanaël mettait tout le monde à l’aise, mais on se demandait toujours, à un
moment ou à un autre, pourquoi ce regard qui file à l’anglaise et change de couleur d’un seul coup. C’est le moment où tout bascule pour l’interlocuteur qui se fige, dans un charivari
d’impressions rétiniennes en rafales, amplifiées par une lumière aveuglante. Traversée du temps, sensation d’apesanteur et une fraction de seconde plus tard, retombée sur terre et en pleine
conversation. À peine un mot échappé dans ce trou noir et pas un souvenir de l’épisode, si ce n’est cette étrangeté ressentie face au personnage ! Moi comme les autres, j’ai connu ce voyage
immobile qu’offre Nathanaël, à ceci près que j’en ai retrouvé des bribes dans mon sommeil et que j’ai couru lui demander des explications, captivé plus qu’inquiet. Personne ne s’était jamais
souvenu, il était troublé, mais devant mon sourire, par avance complice, et ma curiosité gourmande d’aventure, il ne se fit pas prier longtemps pour me révéler comment il était tombé sur terre.
Vendredi 30 octobre 2015 - Patty Daury