« Cette île est étrange. Comme toutes les îles, d'ailleurs. Mais là, j'en perds la tête : Je suis entouré d'eau, il y a une construction humaine, une cabane en bois pourrie, qui sert de W.C., un robinet permet d'avoir de l'eau douce, les autres habitants, je ne les ai pas encore rencontrés.
Suis-je arrivé dans une de ces îles mentionnées par la Bible ? Sodome ? Gomorrhe ? Il n'y a pas d'urinoir, ça aurait pu éclairer ma bougie, pas de déchets qui m'indiquerait le sexe des autochtones : rouge à lèvre (ou tube vide), magazine pornographique, paquet de kleenex…. Que sais-je ?
Mon mal de tête empira. Ah ! Le son des vagues sur la côte rocailleuse, il me faut une aspirine. J'en ai une que j'ai réussi à sauver du naufrage. De plus en plus, l'île me semble inquiétante…
En approchant de la plage, j'entendis le chant insistant de l'appel sexuel du crapaud marin.
Ouvrons une parenthèse sur le crapaud marin : "Reconnaissable son pompon rouge, le crapaud marin s'allonge nu sur la plage en braillant des chansons de marine. S'il ne se casse pas la voix, le whisky que ses glandes situées sous la peau sécrètent attire les femelles qui lapent le nectar en signe d'accord pour l'accouplement. Le crapaud marin monte alors sur la femelle pour l'inséminer si et seulement si les coups de soleil qu'il a pris lors de sa longue exposition au soleil ne l'ont pas tué brutalement d'un cancer foudroyant." Sur cette plage, je vis de nombreux crapauds marins morts et en décomposition même pas mangés par les crabes. En effet, rien n'est comestible dans le crapaud marin.
Cette puanteur combinée à l'odeur de la houle me donna un haut-le-cœur et envie de fuir. Je pensai : « Mais quels sont ces humains, quels sont ces frères (ou ces sœurs) qui utilisent cette cabane nettement identifiable, ce chiotte avec un cœur découpé sur la porte ? Ce trou d'aisance a-t-il poussé là par hasard comme l'arbre qui seul peuple ce lieu ? »
J'entrai, je vis un poste de télévision, j'allumai, et je vis un cul, le mien, pris en direct. Je compris que la production attendait que je défèque (normalement, pour la concordance des temps, je devrais employer l'imparfait du subjonctif, mais je ne me résous pas à finir mon texte sur un mot aussi improbable qui « déféquasse ».)